Domaine inebriati
Bienvenue chez Victor Beau
Une passion, un héritage transmis par son père
C’est la deuxième fois que je m’arrête au domaine Inebriati, sur la commune de Vacquières, à deux pas du Pic Saint Loup.
Victor a la voix posée, sereine, il inspire la sagesse et la bienveillance. Il est fier de ses racines, de cet héritage, de cette passion que lui a transmis son père, Christophe Beau, pionnier de la biodynamie dans la région (domaine Beauthorey).
Pourtant au départ, c’est le métier de kinésithérapeute qu’il avait choisi. Puis, avec le temps, l’envie profonde de renouer avec la nature l’a poussé à suivre la voie de son père.
Des vieilles vignes en bonne santé, dans un environnement privilégié
Il mesure la chance d’avoir récupéré 3 hectares du domaine Beauthorey. Des vignes saines, taillées en gobelets, sur des sols vivants. C’est quand même plus joli sans les fils de fer, je trouve. La vigne semble plus libre, plus diverse, chaque pied peut s’exprimer différemment. En plus, les grappes sont plus espacées et la vigne, avec son feuillage, joue un rôle de parasol. On gagne en ombre et en fraîcheur, précise Victor.
Il m’emmène sur une parcelle de vieux Cinsaults plantée à la fin des années 50, à Corconne. Les pieds sont beaux, les sols sont verts, on peut trouver ici et là des poireaux et de la roquette sauvages. Amandiers, cerisiers et oliviers amènent également de la diversité. Ils habillent les parcelles, apportent du relief et du charme. D’octobre à avril, il laisse pâturer une vache et un boeuf, Biscotte et Surya, de races Highland et Auroch. Le cercle est vertueux, les vaches mangent de l’herbe et nourrissent les sols en déféquant.
Depuis la parcelle de Terret Bourré, la vue est splendide, on aperçoit le pittoresque village de Corconne blotti au creux d’un canyon naturel, qui constitue le premier contrefort des Cévennes. Les sols sont recouverts de gravette de Corconne, de cailloutis provenant de l’érosion du causse. Le Terret Bourré est un cépage autochtone qui avait été massivement arraché et que l’on retrouve très peu aujourd’hui. Encore moins en monocépage. Il présente l’avantage d’être tardif et, malgré le climat chaud et sec, donne des degrés d’alcool assez faibles.
Alors il faut les chouchouter ces terrets. Il s’apprête à en greffer sur des pieds de merlot. « Pour ce faire, il suffira de prélever un sarment, car la totalité de l’ADN de la vigne se trouve dans ses yeux« . C’est beau non ? Je trouve ça fou et incroyablement poétique.
Au Domaine Inebriati, les vinifications sont naturelles et infusées
Côté vinification, Victor, épaulé par son ami et associé Hervé, élabore ses vins le plus naturellement possible.
On goûte, brut de cuve, les blancs du millésime 2020. Chaque cuvée a sa personnalité, son identité bien marquée. J’apprécie beaucoup le Terret Bourré pour sa minéralité. Cette année Nerei (100% Ugni Blanc) aura un caractère différent des autres millésimes. On croirait un vin orange, avec des parfums de litchi, d’écorce d’orange. En bouche c’est vif, avec une légère sucrosité, bien intégrée. C’est harmonieux et atypique pour de l’Ugni Blanc.
Pour les rouges, Victor et Hervé réalisent des infusions en grappes entières. La rafle amène de la fraîcheur, de la tenue en bouche. Le végétal fait partie intégrante de la grappe. C’est important de le préserver. Bien entendu, il faut y aller en douceur, ne pas extraire trop longtemps.
Résultat, les vins sont précis, frais, digestes, emprunts de la délicatesse et du regard fin et observateur du vigneron. On est loin, très loin, des Picpouls solaires, opulents.